Sunday, September 18, 2005

Ce que l’on croit tenir en laisse nous mène par le bout du nez. Il faut penser comme une fleur, une bête, un enfant. Je n’ai qu’un thème à quatre sous, l’obstination d’un caillou, le flair ému d’un chien, le cœur pour seul repère.

La lune bouge dans mon lit quand je la touche en rêve. Je veux nourrir d’espoir les chiens maigres du cœur. Les feuilles galopent sur le cheval de l’arbre, petits cavaliers verts prenant le vent pour de l’avoine. Je ne visite plus le musées des regrets. J’expose le désir sous la vitre des choses, le petit cœur des mots qui lutte contre l’ombre, les chaises végétales où ronfle le soleil. Il y a d’autres étoiles dans le ciel du réel, des galaxies de perles dans l’huître du cosmos. Les yeux crevés des pierres écoutent les cigales. Dans ce monde insensé, au milieu de la haine, de la banale cruauté et du malheur devenu rentable, avec mes larmes chargées à bloc, mon crayon, mon fusil d’impossible, je déclare la paix, la tendresse et l’amour.

Pour le vent, les girouettes sont un jeu de marelle et les épouvantails des compagnons d’été. Les robes bougent sur la corde à linge comme des fillettes au premier bal. La porte se réveille au cœur d’une serrure et laisse entrer la mer. On a piqué des fruits sur la jupe des arbres, des voyelles aux cigales, des odeurs aux images. Les ruisseaux de la hâte finissent par tarir. J’avance à la vitesse d’un tilleul. Il m’arrive d’écrire sur un seul grain de sel. Nous portons dans les mains toute la rumeur du monde. Elle déborde parfois dans les sillons de l’encre. Dans son costume de papier, le poème cache des santons, des ruisseaux et même des montagnes.

Il y a trop de morts sur la tas, trop d’icônes repeintes, trop de trompettes fausses dans la voix des veaux d’or. On conçoit trop de clefs qui n’ouvrent jamais rien. Il faudrait plutôt laisser les portes ouvertes. La vie est inflammable mais se consume trop vite. Je cherche sous la neige au costume de sel les fleurs assoiffées d’abeilles et le pain mis en cage. Laissons mourir les dieux et vivre les enfants. Je dresse sur la pierre des fleurs pour le rêve. Je voudrais des mots comme des doigts qui touchent, des orgues végétales, des pianos d’absolu. J’avance avec des mots d’oiseaux sur la langue des feuilles.

Des fleurs poussent à côté des prisons. Les puces du rêve rongent le collier des chiens et le licol des chevaux. Sur les portes de bois, le ruisseau du voyage déserte la patine et sort de ses gonds. Les fantômes ont fini de pleurer sur les tambours de peau. Le temps au bout de sa corde recommence à tisser. L’homme au bout du pain se remet à semer. Le soleil dore les boutons sur la chemise des fleurs. L’aube est un enfant qui glisse chaque jour un suçon de lumière dans la bouche des ombres, un sucre d’orge sous le mors du temps.

La lumière du jour garde l’âme secrète. Elle devient visible aux approches de la nuit. Je marche dans les rues les poches pleines de mots où cohabitent sans rancune la vie avec la mort, le doute avec l’espoir comme les aiguilles d’une montre. Je crois aux racines, aux feuilles, aux fleurs olfactives des bourgeons, aux flèches des parfums traversant l’odorat. Mes nuits sont des lézardes. Je m’éveille à chaque heure pour écrire. Je ne sais plus si les mots sont d’hier ou de demain. L’heure que marquent nos montres n’est jamais qu’illusion. Les chiffres gardent les yeux fermés. Le cheval de l’enfance berce l’avoine des souvenirs et vient boire dans mes paumes enfin grandes ouvertes.

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