Saturday, March 31, 2007

nous devrions vivre avec dans l’âme
le souvenir d’un seul baiser
d’une seule parole
d’un seul regard

à l’ombre dure de l’église
dans la chaleur des heures de sieste
même à genoux les prières sont vaines
mais il y a des sources dans le désert
des chemins dans la solitude

au pays des ombres et du clair de lune
l’été torsade la douce succion de la nuit
lorsque les rues font les mortes
entre des magasins verrouillés
et les portes closes

les lèvres imbibées par la vision des voyages
entre lacs et fleuves
nous avions trouvés
la douce distance du regret

entre lacs et fleuves
nous avions trouvés
les heures pleines où le vent sans poussière éclaire les visages et sème des jasmins sur les trottoirs des villes

entre lacs et fleuves
nous avions trouvés
les villages abandonnés réduits à leurs os
les châteaux hagards dans leurs haillons de ruines

entre lacs et fleuves
nous avions la forêt
pour entretenir le feu d’une haute espérance

nous devrions vivre avec dans l’âme
le souvenir d’un seul baiser
d’une seule parole
d’un seul regard
pour tout un grand et seul amour

dix mois et deux jours sans une seule goutte d’alcool
j’ai commencé un chant
pour partager ma soif

dix mois et deux jours sans une seule goutte d’alcool
je n’ai pas assez parcouru le silence

j’ai tant pris de retard

Saturday, March 24, 2007

les cent rivières coulent jour et nuit
et nous aussi comme toutes choses
seul nos cœurs ne bougent pas
ils s’accrochent au passé

je me souviens des jours près de la Durance
nous fermions les portes contre la chaleur
nous faisions griller des saucisses
nous lisions des poèmes et chantions faux et fort
puis essuyions la sueur sur nos fronts

soudain le mistral soufflait glacé
tu te levais pour prendre un vêtement plus chaud

et tu m’en apportais un

Friday, March 16, 2007

le cœur est la troisième oreille
c'est celle aussi de l'enfance

celle qui entend dans la vieille maison
les chansons et les rires d'une autre vie

comme une lumière d'étoile affleurant la nuit

j’entends le front appuyé à des odeurs closes
les mains cherchant la couleur des murs
une rumeur d'arbres et de rivières
qu'on partageait à table avec le pain
quand la place du pauvre était vide

je devine les joies muettes
et leur disparition dans l'usure du jardin


alors je me reconnais fils de la rumeur et du retour des choses

j’entends derrière la porte
que reviennent vers moi
mes propres pas perdus

puis je serre les ombres sur ma poitrine

Sunday, March 11, 2007

je tiens l’heure de cristal
dans un coffre-fort
comme un oracle

vers lequel je me tourne
dans l’espoir d’un miracle

quand le nord me semble sud
quand le chant me semble sourd
quand je ne vois aucun geste
quand la nuit me semble jour
et le soir matin

quand il me semble sans contour

que rien n’as ni début ni fin
je me retourne vers l’heure bleue

cette heure bleue

où j’ai entassé
riant et pleurant
pensées et pensées
instants et instants

puis je prend l’heure dans mes paumes

et je t’attends

Sunday, March 04, 2007

j’ai bien mis la main à la charrue
mais j’ai tant de fois regardé en arrière
que mes sillons ressemblent à ceux d’un homme ivre sur les collines au fond des forêts
et jusque dans le lit abrupt des rivières

quelle récolte après ?

je n’ai pour ma décharge que d’avoir longtemps labouré entre deux soleils
l’un tarde à s’éteindre
et l’autre à rayonner