le jour et la nuit sont toute ma société
je suis à tu et à toi avec le matin et le soir
le vent a ouvert le journal de la veille à la page nécrologique
c’est l’heure de rencontrer la chaleur
je suis de ce monde où même les arbres crient leur besoin d’aimer
aujourd’hui je sais que les pleurs d’un enfant ont la force des dentelles pour approcher l’éphémère
et que des mots invisibles se prennent pour des larmes
septième mois sans une seule goutte d’alcool
maintenant l’horizon est pur
tout autour il y a des champs de vignes
des champs de vignes jusqu’à la mer
touriste du dedansje promène l’infinicomme on promène son chiensans laisse ni médailleles pays de passage voyagent par ma voix
chanteur de silencel’absolu sur la languebon à tout
bon à rienet même à l’espérancec’est debout que je lisdans le livre des arbresleurs rumeurs de pagesje traîne ma lenteursur le bord de l’instantun peu de ciel
un peu de mielun peu de mer aussi dans mes yeux un vieux rêve de pochecomme un chagrin d’enfantdans le ruisseau du cœur
les enjambées de René Charsur les bords de la Sorgue
la couleur des motsla douleur des crisde Brel à Léoles sourires de Brassens qui grignotent le tempsun peu du lac de Lamartine
un peu de lait
une part de neige une part de pierre sous les cornes de l’espoir
les lignes d’Eluard caressant l’impalpable
les images en neige remontent vers les yeux
la folie dans sa cage sourit aux étoiles
un chaland plein d’écume où l’odeur a une âme
les parfums de la lumière dans un jardin la nuitchaque mots emportent un peu de mon visagedessinent mes premières rides vous pouvez fouiller mes crisdécolorer mes imagesbazarder mes paroles
mais ne laissez jamais fondrele sucre de l’amour
mais ne laissez jamais fondrele sucre de l’amouravant même d’y avoir goûter
sur le comptoirmes larmes dessinent des barreauxet peut êtreles pailles de tes yeuxpour boire mon chagrin libre soudain au centre du pardonassis blotti tout contre une autre solitudej’oubli mon verreet pose la monnaiedans l'assiette ébréchée
par mes douleurs anciennes trop lucide et ce café amer me donne la nausée une brume épaissie borne le paysagevoile les fils du ventles humains disparus ils sont loin de moi ou c'est moi peut être moi qui ne les vois plus
un silence ne ressemble pas à un autre silence
on dit pourtant le silence comme on dit l'enfance comme on dit l'amour
aucune enfance bien sûr aucun amour non plus ne ressemble à aucune aucun autre
on a vite fait de mettre les mots au singulier
on continue de ne pas dire les mots qu'on a dans la gorge
on continue de ne pas entendre les craquements dans le silence
les craquements ou les voitures qui passent
on dit le silence on dit une voiture passe alors que tout est là ensemble
la voiture les craquements le silence
les choses ne veulent pas être séparées
et nous ?